Ces “études lacaniennes”, réunies en 2 volumes dans leur version numérique (revues et considérablement augmentées par rapport à l’édition papier de 2013, environ 400 p. désormais) forment une suite orientée et un ensemble cohérent, mais non certes une démonstration logique implacable ; c’est dire qu’ils peuvent à volonté se lire dans n’importe quel ordre, et chacun indépendamment de l’ensemble.
Didier Moulinier est professeur et docteur en philosophie. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages.
Vol I : Lacan (pas vraiment) avec les philosophes
Nombreuses sont les lectures ou les interprétations "philosophiques" de la pensée lacanienne. Cependant celles-ci ne peuvent s’effectuer qu’à partir des propres lectures philosophiques de Lacan, son dialogue acharné avec de très nombreux philosophes. Si Lacan n’est pas “philosophe”, et se garde bien de se présenter comme tel, il fréquente assidûment les oeuvres des grands philosophes. Non seulement Lacan a “emprunté” les voies de la philosophie mais il a utilisé les doctrines philosophiques, le plus souvent en les détournant sans vergogne. D’Aristote à Heidegger, en passant par Descartes, l’enjeu de ces lectures reste à notre avis le statut et la structure du sujet (quand les concepts lacaniens de réel et d’objet 'a', les vraies inventions de Lacan, n'ont sans doute pas d'équivalents philosophiques). Les “classiques” sont ainsi questionnés par lui et sommés d’apporter leur contribution “posthume” au fondement d’un sujet qui a priori n’est pas le leur : le “sujet de l’inconscient” !
Or les lectures lacaniennes de ces grands auteurs ont suscité des commentaires de la part des philosophes contemporains (notamment français) que l’on pourrait qualifier de “vicieux”, ayant pour effet principal et regrettable d’”épingler” ici un Lacan cartésien, là un Lacan dialecticien-hégélien, ailleurs un parfait adepte de Heidegger, etc. Selon nous ces relectures “philosophiques” de Lacan manquent systématiquement l’essentiel, font triompher ce que nous appelons le “principe de philosophie suffisante” en émoussant bien souvent les avancées lacaniennes à propos du sujet, de la jouissance ou du réel (des concepts pour la clinique et non pour la spéculation philosophique), puisqu’au final il est entendu que Lacan fait œuvre de “philosophie” sans perturber celle grande Dame outre mesure. (Quand d’autres, à l’inverse, se contentent de condamner en Lacan le “sophiste” et le “charlatan”, mais bref !) On pourrait dire de tous ces commentaires philosophiques sur Lacan qu’ils sont “collants” ; ils nouent des liens (le fameux “Lacan avec les philosophes”) là où Lacan cherchait plutôt des ruptures. Il est bien clair que la théorie lacanienne n’est pas “une” philosophie mais bien une "division d’avec" la philosophie. Il est donc utile d’approfondir et en même temps d’historiciser ces fréquentations pour définir leur influence réelle sur la théorie lacanienne et surtout tenter de découvrir la logique — s’il y en a une — de ce parcours.
Avant-propos
Introduction. Lacan (pas vraiment) avec les philosophes
I / Lacan, Hegel et les hégéliens
1 / D’un prétendu hégélianisme de Lacan
2 / Lacan (pas vraiment) avec Kojève
3 / Le père Bataille
4 / L’analyse présentée comme “dialectique” dans l’enseignement de Lacan
5 / La belle âme et la loi du cœur : de la dialectique à l'analyse. Hegel, Freud, Lacan
II / Lacan, Heidegger et les heideggériens
6 / Une philosophie de l’ek-sistence ?
7 / Une philosophie déconstructible ?
8 / Au sujet du nom et au nom du sujet (Lacan et Derrida)
9 / Résistance et différance, analyse et déconstruction
III / Lacan, Descartes et les cartésiens
10 / Trait unaire et cogito
11 / Lacan et le sujet de la métaphysique
12 / Les destins du Sujet entre philosophie, science et psychanalyse. (Milner lecteur de Lacan)
IV / Lacan, Platon, et les platoniciens
13 / Dialectique et différence problématologique
14 / Lacan anti-philosophe ? (Badiou, Platon, Lacan)
15 / Théorie du sujet et ontologie (Lacan et Badiou)
V / Discours philosophique et discours psychanalytique
16 / Discours philosophique et discours psychanalytique
17 / Le discours psychanalytique et son sujet
18 / Althusser et la « théorie de la psychanalyse »
19 / La vérité du discours est sujette à caution
20 / Discours et aliénation
21 / Le savoir philosophique sous la guise de l'Autre (philosophie, psychanalyse, religion)
Vol II : La psychanalyse lacanienne, théorie et pratique
Ce volume 2 de nos Etudes lacaniennes se penche sur les relations fondamentales mais « compliquées » que la psychanalyse entretient avec les sciences humaines, l’épistémologie et la logique, l’éthique et la politique, les pratiques sociales ou encore l’éducation. Résolument, la psychanalyse est présentée ici comme un discours structuré et consistant, une théorie et une clinique du sujet originales, enfin une expérience thérapeutique construite et fortement pensée. Nous interrogeons longuement, non sans nous appuyer sur des analyses savantes et « autorisées », les conditions épistémologiques d’un dialogue entre les sciences et la psychanalyse. Celle-ci les a d’autant moins ignorées que, sous l’égide de Lacan, elle prétend mettre à jour le « sujet de la science » en tant que forclos et inconscient, et opérer sur celui-ci. Le psychanalyste n’est donc pas sans savoir, ni même sans posséder un savoir certain contrairement à ce que voudrait une certaine vulgate socratique.
De façon incontestable, la psychanalyse appartient au temps présent auquel elle rend de grands services : pratiquement elle contribue à redonner l’espoir à des sujets dont le mal-être est structurellement persistant. Mais la psychanalyse fait souvent figure de parasite dans le champ des disciplines constituées où elle réinjecte le concept de Sujet, et de façon encore plus perturbante ceux de Jouissance et de Réel ; elle est en plus ou en trop, elle introduit le symptôme et s’introduit elle-même comme symptôme… Il en va de même pour la théorie et l’œuvre de Lacan, adulées par certains, vilipendées par d’autres, et cependant clairement incontournables – d’abord parce que Lacan (se déclarant nommément « freudien») a sans doute été le plus minutieux et en même temps le plus audacieux des lecteurs de Freud.
I / La théorie lacanienne et le champ lacanien
1 / Lectures lacaniennes de Lacan
2 / La Lettre lacanienne et ses enjeux
3 / R.S.I. ou le nom du Champ freudien
4 / R.S.I. : un imaginaire consistant chez Lacan
5 / Il était une (mauvaise) foi : Roustang critique de Lacan
II / La science et le savoir du psychanalyste
6 / Une science du symptôme
7 / Le sujet de la science et le sujet de la psychanalyse
8 / La cause lacanienne : la cause de ce qui cloche
9 / Le (non-)savoir psychanalytique et la science
10 / Une épistémologie de la psychanalyse est-elle possible ?
11 / L’analyste et le désir de savoir
12 / Le savoir du mythe et le savoir du psychanalyste
III / Logique et topologie lacaniennes
13 / Logique lacanienne, logique du sujet
14 / Logique de l’Autre et logique sexuelle
15 / De quelques effets psychiques de la théorie des transfinis sur son auteur même
16 / Critique de l’infini d’inaccessibilité (Badiou vs Lacan)
17 / La topologie de Lacan. Une présentation du Sujet
18 / La topologie pour aborder le réel
19 / Le réel quantique et le réel en psychanalyse
IV / De la linguistique à l’histoire
20 / La linguistique au risque de la psychanalyse
21 / Sémanalyse et narration
22 / Psychanalyse et Histoire
V / L’éthique de la psychanalyse
23 / La loi du désir et l’éthique de la psychanalyse
24 / L’éthique du dire de Daniel Sibony
25 / Ethique et jouissance de la parole. Qu’est-ce que bien-dire ?
VI / La clinique et l’expérience psychanalytiques
26 / La Clinique du sujet est une clinique de l’acte. Psychanalyse, science, psychologie
27 / La pratique psychanalytique comme Règle, dispositif et mise en scène
28 / L’expérience psychanalytique et le transfert
29 / La question controversée d'une « technique psychanalytique »
VII / Implications politiques, sociales et pédagogiques
30 / L’envers de la politique
31 / Que peut la psychanalyse pour les pratiques sociales ?
32 / Que peut la psychanalyse pour l’enseignement et la didactique de la philosophie ?
VIII / L’Ecole de Lacan et la formation des analystes
33 / S’autoriser de soi-même et s'autoriser de Lacan
34 / La formation des analystes comme modèle de lien social ?
Conclusion : Haine de la psychanalyse et antisémitisme (de la conjoncture)